Publié par Jean-Charles Galiacy.
Le Smicval s’est penché sur la possible participation de certains de ses salariés à un « trafic de métaux, d’appareils électroménagers et de batteries. »
PHOTO ILLUSTRATION STÉPHANE KLEIN
Pour confondre des salariés susceptibles de détourner des matériaux, le Smicval a fait appel à des détectives privés. Un employé a été épinglé
Condamné en première instance puis relaxé en appel, « en l’absence d’éléments suffisants permettant d’asseoir une décision de culpabilité », un agent du Smicval(Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute Gironde) a bien été suspendu de ses fonctions durant plusieurs mois, accusé d’avoir dérobé des matériaux dans plusieurs déchetteries au sein desquelles il travaillait.
Le salarié a déposé l’année dernière une requête devant le tribunal administratif pour demander principalement l’annulation de cette révocation : sa demande a été rejetée fin février. Le tribunal a estimé que même en l’absence de condamnation pénale, l’entreprise avait le droit de sanctionner son employé, la faute disciplinaire étant caractérisée.
Comment l’a-t-elle été ? Le syndicat de déchets a carrément fait appel à une société de détectives privés pour qu’elle enquête sur « l’origine des détournements de matériaux. »
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« Les éléments du dossier font ressortir que les vols au sein des sites de déchetteries alimentant des réseaux de délinquance […] sont une préoccupation des responsables du Smicval et qu’il existait des soupçons portant sur la participation de certains agents à untrafic de métaux, d’appareils électroménagers et de batteries que l’enquête de la gendarmerie n’avait pas pu mettre à jour », peut-on lire dans le jugement du tribunal administratif.
Des investigations ont donc eu lieu sur les lieux de travail de l’agent suspecté, employé dans l’entreprise depuis une bonne vingtaine d’années et qui n’avait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire.
« Étroitement encadrées », « pendant une période limitée », ces investigations se sont déroulées « sans porter atteinte au droit au respect de (sa) vie privée. » Le salarié n’a, par exemple, pas été suivi en dehors des sites de déchetterie.
Par deux fois, en juin et juillet 2017, à Vérac ou La Roche-Chalais (Dordogne), les détectives constatent, avec l’appui de clichés photographiques, que l’employé charge « des objets provenant de la déchetterie dans son véhicule personnel. »
Le 1er juillet, des gendarmes consignent eux aussi la présence de divers objets dans son coffre. Spontanément, l’individu reconnaîtra qu’ils proviennent de son lieu de travail avant de se rétracter quelques semaines plus tard, fournissant aux autorités judiciaires une attestation écrite de son père y expliquant que les objets, en fait, lui appartenaient.
Au pénal finalement, la cour d’appel de Bordeaux l’a relaxé « à raison d’un défaut de preuves des faits incriminés ». Au bénéfice du doute en quelque sorte. Mais le tribunal administratif a quant à lui estimé que « les agissements (de l’agent) commis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions […] sont contraires à la probité » et que son entreprise avait toute légitimité à le sanctionner.
De même, le tribunal a estimé que l’appel à des détectives privés dans cette affaire par le Smicval ne posait pas de difficulté et ne traduisait pas « un manquement à son obligation de loyauté » vis-à-vis de son salarié. Lequel a donc vu sa requête rejetée et devra également verser à son employeur 1 000 euros pour ses frais de défense.